04 décembre 2006

Enfants non accompagnés

Là où je travaille, chez "Petites voitures", j'ai une position stratégique au sein de l'aéroport. Je suis, comme tous les autres comptoirs "petites voitures", au niveau des arrivées. J'ai donc vue sur toutes les retrouvailles, des plus bruyantes au plus discrètes, des plus enflammées au plus modestes. L'amoureux qui attend sa chérie avec un bouquet de fleurs, le groupe d'amis ou sportifs qui accueillent le vainqueur ou le héros à force de banderolles et trompettes...C'est toujours plus animé l'été, avec les touristes qui tournent et paraissent ébahis de se retrouver dans si petit aéroport pourtant international, mais j'aime l'hiver, qui me permet d'avoir un peu plus de temps pour regarder autour de moi, et observer mes compatriotes.

Mais ma position stratégique est à mon sens encore plus stratégique, car notre comptoir est situé directement à côté de la sortie des enfants non accompagnés. Qui elle, est tout particulièrement animée le vendredi soir, dimanche soir, début ou fin des vacances scolaires.
J'avoue observer ces arrivées-là avec une tendresse toute particulière, même si elle est teintée d'un brin de tristesse...Car après tout, ces enfants sont soit en voyage entre parents divorcés, au pire, soit en vacances chez la famille, grands-parents, oncle, tante ou cousins, signifiant donc qu'ils vont passer des journées sans leurs parents. Cette dernière hypothèse n'étant pas systématiquement négative bien sûr, il faut voir certaines retrouvailles piaillantes et remplies de sourires pour se dire que parfois, ça a du bon de partir en vacances sans les parents...Ce n'est malheureusement qu'une minorité.

Donc le rituel est immuable: à l'arrivée de l'avion, les parents (ou oncle, tante, grands-parents etc...) se pressent derrière la vitre, les enfants de l'autre. Petits signes, petits sautillements, on essaye de retrouver qui son rejeton, qui son papa ou sa maman. La porte s'ouvre, et c'est la sortie au compte-goutte, après présentation de la pièce d'identité, et signature de l'adulte qui vient chercher le petit. Il faut ensuite crawler hors de la foule de ceux qui attendent, trois pas, et le papa ou la maman qui se penche vers l'enfant, l'enlace, l'embrasse, de façon plus ou moins soutenue, plus ou moins longue. Il y a aussi les cris du coeur, les "Mamaaaaaaaaan" ou "Papaaaaaaaa" qui raisonnent dans tout l'aéroport, des retrouvailles comme dans les films, celles où l'enfant se jette au cou de l'adulte, et c'est comme un arrêt dans le temps, comme des minutes suspendues, tout le monde se retourne, et l'émotion, là, n'est sûrement pas feinte.
Mon jeu à moi est d'essayer de deviner, comme dans le jeu des familles (qui porte d'ailleurs bien son nom!) qui vient chercher qui: cette femme habillée à la dernière mode va sûrement venir chercher une jeune adolescente fashion-victim, tiens, ce couple avec déjà un enfant, est-ce que ce sera un petit garçon, une petite fille?
Et les petits qui arrivent à moitié hébétés, un peu déphasés de ce changement si rapide, il y a une heure et demi ils étaient à Paris, là ils sont au bord de la mer, ils serrent leur nounours tout contre eux, ou leur petit sac avec leurs crayons de couleurs, se laissent enlacer par les grands-parents si ravis de voir enfin leur petit, de profiter de lui pendant une semaine....Leur petite menotte emprisonnée dans de longs doigts, ils se traînent ensuite vers les bagages pour récupérer une valise plus grande qu'eux. Et quand tout cela arrive à 23H, on voit encore dans leurs yeux un sommeil interrompu, des rêves suspendus, et l'envie de se blottir dans des bras, ou de retrouver des plumes au plus vite, avant même de penser au lieu où ils ont atterri.
Il y a aussi les petits dont les parents n'ont pas pu arriver à temps. Là, c'est le drame, l'angoisse, on les sent perdus, les larmes d'inquiétude, parfois d'incompréhension, frôlent les cils. Ou alors certains jouent aux caïds, et sortent leur portable, mais on sent que ce n'est pas tout à fait assuré.

C'est une jolie tranche de vie tout ça, qui rythme mes journées, mes soirées. Même si derrière se cache une famille décomposée-recomposée, ces instants de retrouvailles et de bonheur donnent l'impression que tout est possible, même avec des centaines de kilomètres de distance.

4 Comments:

At 3:52 PM, Anonymous Anonyme said...

J'ai des larmes au bord des yeux à lire ton billet. De joies, mais aussi de peines, un peu tout mêlé...

Je crois que je ne pourrais pas travailler près de l'arrivée des enfants non accompagnés, en fait...

 
At 4:31 PM, Blogger Floh said...

Oh! Et moi qui en me relisant, me trouvait très maladroite...
Le but n'était pas de te faire pleurer..Parce que sincèrement, malgré tout, moi j'ai le sourire à chaque arrivée, je vois le côté "retrouvailles" et non le reste, du moins j'essaye de ne pas trop y penser :)
Plein de bises réconfortantes, en tout cas...

 
At 7:58 PM, Anonymous Anonyme said...

Je pense au jour où Cro-Mi ira en vacances chez ses grands-parents, où nous la laisserons pendant quelques jours, j'en ai déjà le coeur serré...

 
At 1:25 PM, Blogger Floh said...

Alors elle sera comme ces enfants: à hurler de joie et se régaler pendant une semaine, et rentrer avec un sourire plus grand que le visage, ceux que je vois aussi aux arrivées des enfants non accompagnés ;)

 

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