Expatriation
Aujourd'hui, c'est l'anniversaire de Super Frérot.....Je me souviens encore comme si c'était hier de ce jour de Pâques d'il y a 24 ans où le lapin m'a amené un ptit frère pas du tout en chocola...Qui en plus a eu le culot de se pointer au moment où je me lançais dans une recherche d'oeufs traditionnelle et déjà narrée ici! C'est sûr, en débarquant dans ces circonstances, le frangin avait un certain handicap de départ à mes yeux....Nonobstant qu'il arrivait et donc me piquait ma place de "seule et unique perle des yeux de mes parents" après 6 années de règne totalitaire, il avait choisi son jour! Il a ramé quelques années pour se racheter, il faut bien l'avouer....Il a d'ailleurs fallu que je parte définitivement du cocon parental où il s'était à son tour chaudement installé pour que les relations deviennent saines et plaisantes entre nous...
Et ne faisant pas les choses à moitié, j'ai non seulement quitté le nid, mais quitté le pays...
Et il me manque, sisi, je n'aurais jamais pensé dire ça un jour, mais il me manque.
En 6 ans d'expatriation, j'ai manqué 5 de ses anniversaires...
C'est toujours dans ce genre d'occasions que la petit piqûre de rappel se manifeste, me rappelant que l'expatriation n'est pas une herbe verte et parfaite, et qu'il y a aussi quelques inconvénients: anniversaires de proches ou famille, naissance du premier enfant de l'ami d'enfance qu'on verra bien plus (trop) tard, mariage qui tombe précisément peu de temps après qu'on ait trouvé un boulot et donc pour lequel on ne peut pas prendre de jours de congé, ruptures et souffrances à distance, pour lesquelles on n'est pas assez présente pour s'assurer qu'on remplit pleinement son rôle d'amie-confidente-personne se devant d'être là...
C'est dans ces moments où je finis par se demander quelle mouche m'a piquée à aller visiter d'autres lieux, quittant mon lac et mes montagnes pour un pays certes limitrophe, et pour lequel j'ai toujours ressenti une attraction magnétique, mais qui ne me promettait pas forcément monts et merveilles...
J'ai eu il y a peu une altercation avec mon père à ce sujet. Qu'on soit bien clair: avoir une altercation avec mon père est la chose la plus commune qui puisse m'arriver! Le jour où j'écrirai que j'ai passé des moments remplis de sérénité et d'amour filial avec mon père sera à marquer d'une pierre blanche: j'aurai peut-être enfin résolu mon fichu problème d'Oedipe? (je me demande bien où est Oedipe chez moi, mais je m'égare)...
Donc mon père est lui-même un expatrié. Expatrié depuis la plus petite enfance, n'ayant jamais trouvé ou connu ses racines, n'ayant jamais su dire clairement d'où il venait; Italien né en Tunisie et ayant déménagé en Suisse à 20 ans pour ne plus en bouger, quel est son pays d'enfance? Je comprends ces difficultés, mais là où c'était une souffrance pour lui, c'était pour moi le symbole d'une merveilleuse internationalisation....
Et son seul espoir était de permettre à ses enfants d'avoir les racines qui lui avaient toujours manquées, avec l'ouverture d'esprit transmise dans l'éducation....Trop bien réussie en ce qui me concerne, cette éducation, qui m'a poussée à perpétrer les errances familiales en quittant donc mes racines et mon pays natal et, dans la foulée, en réalisant le rêve de ma mère....Quand on dit que la famille n'est jamais loin, ce n'est pas faux...
Mon père n'a pas supporté mon départ. Pour les raisons expliquées, et, soyons francs, parce que c'est un Italien papa poule qui ne se remet pas de l'éloignement de sa fille chérie et aimée....Cf le despotisme que j'ai exercé avant l'arrivée de Super Frérot.
Si je peux comprendre les raisons de mon père, je ne me rangerai pas à sa vision radicale des choses, à savoir: la seule solution serait que je retourne en Suisse...On en revient à Oedipe, à mon désir d'affirmer que je tiens ma vie en main, mais aussi à ma certitude absolue que ma vie, c'est en France que j'ai à la vivre....Non pas que je ne reviendrai jamais en Suisse, il m'est arrivé d'y songer, et en plus il y a peu...Mais ce ne serait pas un choix décidé et heureux dans l'immédiat, maintenant je ne peux rien présager de l'avenir et je ne veux pas me fermer des portes pour des principes aussi idiots que de continuer à m'opposer à mon père (encore que, haha...)
Mais depuis mon "exil", j'ai néanmoins révisé ma vision de l'expatriation....On va dire qu'en 6 ans, j'ai eu le temps de goûter au meilleur et au pire de l'expérience...et encore, je le dis du bout des lèvres, ne m'étant jamais éloignée à plus de 5 heures de TGV du nid familial (fort heureusement pour l'état mon père qui trouve ça déjà le bout du monde), j'ai toujours du mal à me considérer comme une réelle "expatriée". Il n'empêche qu'ayant lu un article récemment sur l'immigration, j'en ai malgré tout vécu tous les aléas.....L'impression de ne plus savoir réellement où on est chez soi (est-ce là où on a laissé famille et amis d'enfance, ou alors là où on tente désespérément de recréer son univers en partant de rien?), l'impression d'être sans cesse entre deux chaises....Mais aussi la découverte de son pays, sa ville natale d'un regard totalement nouveau, et finir par les aimer alors qu'on n'en pouvait plus et qu'on était parvenu à saturation....Bémol: revenir dans sa ville et se rendre compte que tant de choses ont changé qu'on ne s'y retrouve plus, que ça y est, on n'en fait plus réellement partie...Et, bien entendu, l'émerveillement du nouveau pays, d'une nouvelle mentalité, des impressions de liberté qui s'atténuent mais restent toujours dans un coin de tête...
L'expatriation ne se fait pas à la légère. J'en parlais pas plus tard qu'hier avec Florensse, et nous sommes tombées d'accord sur le fait qu'elle ne doit sûrement pas se faire sur un coup de tête..En ça, j'ai probablement eu tort....Il faut le savoir, nos casseroles nous suivent où qu'on aille...Et ont même une fâcheuse tendance à se transformer en marmites.
Une expatriation se prépare. Il faut être au clair avec soi, et parfaitement franc: pourquoi on veut partir, ce qu'on attend de son nouveau pays. Et savoir que même en s'étant préparé le mieux possible, en étant parfaitement lucide et franc, il y aura des bas, difficiles à gérer. De merveilleuses choses aussi néanmoins. Et que l'important, c'est que la moyenne reste toujours du bon côté de la balance.
C'était très long, je crois que le sujet me tient à coeur...
En attendant...
Bon anniversaire Frérot. Et tu m' manques...
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