29 janvier 2007

Scénarios (suite)

Une amie m'a dit l'autre jour qu'elle avait un peu peur de se "guérir" de tous ses traumatismes, de toutes ses angoisses, parce qu'elle avait peur de perdre son inspiration pour écrire.
Je n'ai vraiment pas su quoi lui répondre.
Je suis l'exemple inverse, en ce qui me concerne: je pense qu'à force de faire taire tous mes traumatismes, ils m'ont tant rattrapée que j'en ai perdu l'inspiration. Ou plutôt, que j'ai trop peur de ce qui pourrait sortir de mon esprit pour l'affronter noir sur blanc.
En ce qui me concerne, me libérer de mes angoisses et mes peurs est bien plus important que l'inspiration que celles-ci peuvent provoquer. Mais je comprends la légitimité de la question, et surtout, je n'ai aucune idée de ce que cela peut être de vivre "pleinement libérée". C'est vrai aussi que je suis incapable de citer un auteur que l'on pourrait estimer pleinement libéré.
Je suis persuadée, en fait, que se libérer des entraves que l'on porte n'est en aucun cas un frein à l'inspiration. Ne plus les vivre au quotidien, ce n'est pas pour autant les nier. Voilà ce que j'aurais pu répondre à mon amie, si j'avais pris le temps de la réflexion, mais comme j'ai l'esprit d'escalier, ça vient toujours après: ne pas vivre le traumatisme et l'angoisse ne veut pas dire qu'on ne les connaît plus. Mais qu'ils ne nous affectent plus, heure après heure, jour après jour, mois après mois. On peut néanmoins les écrire, comme témoignage, et peut-être aussi pour dire aux autres "je vous comprends, j'ai vécu cela, mais je sais aussi qu'on peut en sortir, et qu'ensuite, c'est tellement plus beau, tellement plus lumineux".
On se construit si bien sur nos limites, n'est-ce pas? Elles nous forgent, on s'y complaît, elles nous habitent. Les quitter, les délaisser, c'est se mettre à nu, c'est ne pas savoir ensuite ce que nous serons, car toute notre vie, nous avons accepté ces peurs, comme une deuxième peau. Le problème vient de là, de l'importance qu'on leur accorde, de l'ampleur qu'on leur laisse. Si on admettait dès le départ qu'elles n'ont pas lieu d'être, qu'elles sont du "trop" plutôt que de l'essentiel, je pense qu'il serait bien plus facile de s'en débarasser, et surtout, surtout, on ne penserait pas qu'exister serait dur sans elles, car c'est quand même un non sens criant.
Alors oui, ma belle, je pense sincèrement que tu écriras tout aussi bien, si ce n'est même mieux, encore, le jour où tu seras pleinement sereine: parce que tu sauras ce que c'était d'être entravée, et que tu sauras aussi ce que c'est d'être libérée: tu n'auras pas un manque d'inspiration, mais bien deux fois plus, j'en suis certaine!

4 Comments:

At 12:20 PM, Anonymous Anonyme said...

C'est comme les gens qui disent qu'on ne créé bien que quand on est malheureux, parfois j'ai comme le sentiment que c'est une "excuse" à ne pas affronter ses problèmes.

Mais ça n'en reste pas moins une démarche compliquée et courageuse, alors... chacun fait comme il peut, au moment où il peut !

 
At 7:35 PM, Blogger Floh said...

Oh oui, et c'est surtout une démarche très personnelle...On est seul(e) à prendre cette décision, personne ne peut le faire pour nous, on peut être accompagné avant, pendant et après, mais tant qu'on n'est pas intimement persuadé(e) que ça vaut le coup, c'est inutile...
Bises et merci pour tes petits mots, Anne ;)

 
At 4:52 PM, Anonymous Anonyme said...

Merci pour elle ...

(Elle)

 
At 5:22 PM, Anonymous Anonyme said...

Bon et sinon tu le tournes quand ton film ? parce qu'écrire des scénarios c'est bien beau mais vivre c'est bien aussi ;)

Tu sais qui :p

 

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