20 septembre 2006

Ciel, quelle jeunesse!

Dans une tentative (je l'espère pas trop désespérée) de sortir un peu le nez de mon nombril petit et assez inintéressant, réflexion sur l'actualité:

Le préfet de Seine St Denis, département si bien nommé 9-3, voire même 9 cube (du moins de ce que j'en ai appris, je n'y habitais déjà plus) s'inquiète de la recrudescence de la délinquance. Soit, on connaît tous les conditions qui règnent là-bas, l'inégalité des chances plus ou moins flagrante selon l'adresse qui figure sur un CV. Ce n'est pas vraiment le débat que j'ai envie d'entreprendre ici, j'ai vécu au milieu d'une cité de ce département, cité relativement préservée, mais avec un statut qui m'a obligée à me battre et à adopter certains comportements pas du tout naturels pour me préserver de diverses injures, jets de pierre ou autres graffitis sur ma porte. J'ai donc beaucoup de mal à avoir une position tranchée face à ce constat.

La phrase de ce rapport qui a retenu mon attention est celle qui manifestait l'étonnement du préfet quant à "la jeunesse des effectifs de police envoyés en renfort ou affectés sur son département"....A croire que cet homme découvre ce problème aujourd'hui même, en septembre 2006, comme si c'était un scoop! Encore une fois, pas de jugement de ma part: au moins a-t-il le courage de l'exprimer publiquement!
Et ce sujet-là je peux en parler...Parce qu'en effet, l'aberration est bel et bien qu'on envoie des "bleus", policiers ou gendarmes, dans les zones les plus sensibles! Les forces de l'ordre ne détiennent bien entendu pas le monopole, il en est de même pour l'enseignement, pour ne citer que ce corps professionnel....
Corollaire de l'histoire: on s'étonne de la vision désabusée des jeunes policiers/profs face à la jeunesse, à l'avenir du pays, à leur propre avenir, à leur vie...
Comment peut-il en être autrement, qu'on me le dise??
J'ai débarqué là-bas tellement innocente, tellement remplie d'illusions, d'idéaux, que je me suis pris une sacrée claque et que la chute a été rude! Et je n'ai pas à me plaindre, pourtant, je n'étais pas directement confrontée à la violence quotidienne, si ce n'est en bas de ma rue ou dans le RER, comme 99% de mes compatriotes, ou alors en rapport indirect avec la profession de l'Homme. Peut-être, donc, un peu moins préservée que certains, mais carrément sans commune mesure avec ce que ces jeunes policiers, remplis d'envie de bien faire, frais sortis de leur école de police de Marseille, Rouen ou ailleurs dans une province douce et agréable, peuvent vivre le premier soir de leur affectation à Bobigny ou dans des cités dont les tours bouchent tout l'horizon, au sens propre et figuré...Comment peuvent-ils gérer un tel décalage entre leurs espoirs et envies professionnelles et une réalité cruelle, brute de décoffrage et ne permettant d'envisager l'avenir que jusqu'à la prochaine prise de service en souhaitant 1/rester entiers, 2/rentrer à la maison sans que les problèmes les poursuivent, 3/dormir avec le moins de cauchemars possibles, 4/écarter leur famille à la fois des pensées noires qui les habitent, et des potentiels dangers de la rue, 5/prier pour être préservés le plus longtemps possible encore du suicide d'un collègue plongé dans la dépression...
Comment peut-on envisager de vivre un avenir serein, de garder confiance en la vie, comment peut-on souhaiter constuire quelque chose lorsqu'à 18, 20, même 25 ans, sans aucune expérience, on se retrouve face à ce que la vie peut offrir de plus noir et de plus désabusé?

Tout est toujours une question de choix, de vision de la vie. Certains s'en sortent, j'en ai même, Dieu merci, des exemples devant les yeux: des hommes qui ont de grandes ressources personnelles, qui ont su détecter les signaux d'alarme à temps, et agir, soit en parvenant à partir géographiquement, soit en se remettant en question de façon constructive. Mais ce n'est malheureusement pas une majorité. Et je vis, plus personnellement, l'autre côté de ces conséquences, celui qui est malheureusement plus pessimiste: l'auto-destruction, une vision de la vie si désespérée qu'il est dur d'envisager un retour en arrière.
Il serait urgemment temps de faire quelque chose, j'ai bel espoir que cette interrogation officielle et politique ne soit qu'un premier pas vers des changements concrets.
L'espoir fait vivre, et grandir...